dimanche 19 juillet 2009

Silencieuse



Silencieuse, elle lui avait tendu une feuille, pliée en quatre, légèrement colorée et calligraphiée. La jeune femme l’avait prise, en la remerciant, troublée par ce visage sérieux et timide. La page était codée, comme si dès les présentations, le langage était à synchroniser, primordial. Les yeux de la petite fille restaient éclairés par l’intensité de l’urgence, petit signe à convenir, dans l’improbable de ces terres. Profondément, Lydie cherchait à évaluer l’enjeu rattaché par la petite fille à ce geste, mais le mystère commençait ici, à l’orée d’une rencontre anticipée par l’une des deux personnes. S’agissait-il simplement d’une infime construction mythologique inventée par l’enfant pour faire avancer son rêve, ou d’un désir d’énigme, d’un jeu intellectuel espérant placer la plus jeune à hauteur d’impression de l’adulte ? Les questions n’empêchèrent pas la voyageuse de découvrir le texte : simplement, il s’agissait de terminer la formation des lettres. Le tracé était interrompu, mais lisible, comme des pas sur le sable. Petite, Nina s’était éloignée de quelques pas, ne voulant pas montrer son implication réelle dans la lecture de cette femme. Son visage tendre et fin semblait ne pas s’approcher du monde, elle recoiffait souvent ses cheveux courts en un geste nécessaire et parfois sa main prolongeait l’attente, stable. Lydie n’osa pas observer la petite, elle ne lut pas tout haut ce que la jeune fille avait inscrit mais la remercia simplement. « Merci Nina, à toi aussi, ton visage est beau. » La jeune passante se pencha quelques secondes sur la feuille, et entre les lignes de l’enfant, inscrivit à son tour un message, codé sur le même modèle. « Votre planète Minija est superbe, et tu en es une merveilleuse habitante. » L’enfant troubla de nouveau la perception de Lydie, en faisant le geste de ne pas lire la phrase, mais de garder sur son cœur le feuillet d’écriture. Intuitivement, la jeune femme comprenait que l’affection esquissée par Nina à son égard dépendait de son aptitude à singulariser leur comportement, et surtout à se créer un langage personnel, saisi d’elles deux seules, et qui semblait déjà vivre dans l’âme de la plus jeune. Comprendrait-elle tout ? La seule certitude à laquelle s’accrochait Lydie était que l’enfant était plus que jamais sensible et susceptible de déception, ou alors était-ce elle-même, très étonnée d’être remarquée et distinguée par une petite fille extraordinairement perspicace et attentive, qui redoutait de rompre cette féérie fragile.

***



Je croyais que je savais écrire, et me voilà sans mots pour décrire les sentiments et sensations qui sont près de moi sur cette étrange terre. Je croyais que je savais être seule. Sur l’étang du silence, les grèbes et les foulques parlent un langage nécessaire qui attire les profondeurs du paysage. Rien n’est si petit, unicité tremblante que nous pensons comprendre. Parfois le Docteur Who répète : « Je suis désolé. Il n’y a rien que je puisse faire. » There’s nothing I can do, mais c’est le moment qu’il choisit pour agir et rétablir. C’est un séjour de plénitude, l’essence merveilleuse de tes prévenances souriantes, l’espoir infini de notre partage, entre sentier et voie, entre-voix toi et moi